BEIJING, 20 décembre (Xinhua) -- Deux ans et demi après le lancement de la procédure législative, les ministres des Finances de l'Union européenne (UE) sont parvenus le 12 décembre à un accord politique sur la mise en œuvre d'un euro numérique. L'objectif est d'accélérer la transformation numérique et de promouvoir les paiements sans espèces tout en préservant la souveraineté monétaire de la zone euro.
Les travaux préparatoires, comprenant des exercices pilotes et les premières transactions, pourraient être lancés courant 2027.
Le commissaire européen chargé de l'Economie et de la Productivité, Valdis Dombrovskis, a salué cette décision, qualifiant cet accord d'étape importante et soulignant qu'il enverra un signal fort au Parlement européen qui examine actuellement le projet législatif relatif à l'euro numérique.
La commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen devrait adopter sa position de négociation en mai 2026. Ce n'est qu'à partir de ce moment-là que pourront débuter les négociations finales entre les deux co-législateurs - le Conseil de l'UE et le Parlement européen - en vue de l'adoption du cadre juridique définitif.
La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé qu'elle pourrait émettre un euro numérique dès 2029. Si ce calendrier est respecté, l'Europe prendra la tête des grandes économies occidentales dans l'émission d'une monnaie numérique de banque centrale (MNBC).
UN SENTIMENT D'URGENCE
Contrairement aux cryptomonnaies, les MNBC sont émises directement par les banques centrales et sont donc garanties par elles. Elles sont au sens strict l'équivalent numérique des billets et des pièces.
"Ce projet soutiendra la souveraineté numérique de l'Europe", a déclaré la présidente de la BCE, Christine Lagarde, lors d'une conférence de presse le 30 octobre à Florence.
Pour elle, l'enjeu est clair : à mesure que les paiements sans espèces se généralisent, l'Europe risque de voir sa monnaie marginalisée au profit de solutions de paiement dominées par des acteurs non européens. Cette perspective alimente un sentiment d'urgence au sein de l'institution monétaire.
Les données de la BCE illustrent cette évolution. La part des transactions en espèces dans les commerces physiques de la zone euro, mesurée en valeur, est passée de 54% en 2016 à 39% en 2024. Cette tendance structurelle renforce l'argument en faveur d'une monnaie numérique publique, capable de garantir l'accès universel à la monnaie centrale dans un environnement de plus en plus dématérialisé.
La décision des ministres des Finances témoigne par ailleurs du soutien majoritaire des pays de la zone euro au projet. Sur les 27 Etats membres de l'UE, 20 utilisent déjà l'euro comme monnaie officielle. La Bulgarie deviendra le 21e pays à rejoindre la zone euro le 1er janvier prochain.
DES OBSTACLES DEMEURENT
Malgré cette avancée politique, des obstacles demeurent. Plusieurs Etats membres et députés européens ont exprimé des préoccupations concernant la protection de la vie privée des citoyens, ainsi que les effets potentiels de l'euro numérique sur le système bancaire et financier existant.
En avril 2021, la BCE a publié les résultats de sa consultation publique sur l'euro numérique. Pour 43% des répondants, la confidentialité est le point le plus important, devant la sécurité (18%). La majorité d'entre eux s'est prononcée pour "un euro numérique fondé sur la confidentialité et la protection des données personnelles, utilisable hors ligne".
Les banques craignent par ailleurs que la possibilité de chacun d'obtenir un compte en monnaie de banque centrale fasse fuir les dépôts des particuliers vers ces comptes, entravant ainsi le financement de l'économie et par conséquent la rentabilité des banques privées. Ces réserves laissent présager des débats intenses lors de la phase finale des négociations législatives.
Si l'accord du 12 décembre dernier constitue une étape décisive, la naissance de l'euro numérique reste encore conditionnée à un processus institutionnel complexe. Elle s'inscrit néanmoins désormais à l'agenda stratégique de l'Union européenne, qui voit cette MNBC comme l'un des piliers de sa souveraineté monétaire et numérique future. Fin
