ISTANBUL, 18 juin (Xinhua) -- Face à l'escalade des tensions entre l'Iran et Israël, des experts turcs s'inquiètent des répercussions potentielles du conflit sur l'approvisionnement énergétique mondial et sur les voies commerciales essentielles. Ils ont averti qu'une instabilité prolongée pourrait entraîner une flambée des prix du pétrole et déstabiliser les économies dépendantes de l'énergie dans le monde entier, et que la Turquie faisait partie des plus vulnérables.
Necdet Pamir, expert en politique énergétique et membre de l'université Topkapi d'Istanbul, a souligné qu'une flambée incontrôlable des prix du pétrole impacterait tous les secteurs et exercerait une pression considérable sur l'économie mondiale, qu'il s'agisse des pays importateurs ou exportateurs.
Il a souligné que le Brent brut, qui se négociait autour de 66 dollars américains le baril avant les hostilités, a désormais dépassé les 72 dollars, une forte hausse aux conséquences considérables. "Cette tendance est particulièrement alarmante pour les pays importateurs de pétrole comme la Turquie. En fait, presque tous les pays européens, ainsi que de nombreux pays d'Asie, dépendent fortement du pétrole importé. L'impact sera donc mondial", a déclaré M. Pamir à Xinhua.
La flambée des prix du pétrole s'est déjà traduite par une hausse des coûts des carburants sur le marché intérieur, a noté l'expert. La semaine dernière, la Turquie a augmenté les prix de l'essence à deux reprises et ceux du diesel à trois reprises, démontrant l'impact inflationniste des événements sur les consommateurs.
La vulnérabilité de la Turquie est encore aggravée par sa dépendance quasi totale au gaz naturel étranger. Le pays reçoit 98 % de son gaz de l'Iran, de la Russie et de l'Azerbaïdjan via cinq grands gazoducs.
"Nous n'avons aucun contrôle sur les prix du pétrole, et nous n'avons aucune influence sur la manière dont ils sont déterminés. Nous assistons à une partie de ping-pong comme des spectateurs, regardant d'un côté puis de l'autre sans pouvoir intervenir", a indiqué M. Pamir.
Mercredi, le ministre turc de l'Energie Alparslan Bayraktar a déclaré que le conflit irano-israélien avait déjà fait grimper les prix du pétrole, avertissant que cette tendance à la hausse pourrait bientôt s'étendre au gaz naturel.
"Les prix mondiaux du pétrole atteignent des niveaux susceptibles d'impacter tous les pays. En parallèle, nous pourrions également assister à une hausse mondiale des prix du gaz naturel", a affirmé M. Bayraktar avant une réunion de parti à Ankara. "Heureusement, nous sommes actuellement en été, période où la consommation de gaz est relativement faible. J'espère que la situation se désamorcera et reviendra bientôt à la normale", a-t-il ajouté.
Baris Doster, expert en relations internationales à l'université Marmara d'Istanbul, a souligné que les conséquences potentielles d'une guerre élargie s'étendaient bien au-delà du Moyen-Orient.
"L'Iran est crucial non seulement en raison de sa situation géopolitique et de son importance stratégique, mais aussi pour ses vastes réserves de pétrole et de gaz naturel", a-t-il déclaré à Xinhua. Il a averti que toute perturbation des flux de pétrole brut et de gaz naturel liquéfié en provenance du Golfe -- notamment via le détroit d'Ormuz, qui constitue un goulet d'étranglement pour près d'un cinquième du pétrole échangé dans le monde -- pourrait ébranler les marchés internationaux et faire grimper encore les prix.
Les deux experts ont averti qu'une nouvelle escalade pourrait pousser l'Iran à bloquer complètement le détroit d'Ormuz.
"Cela reviendrait à empêcher le passage de 21 millions de barils de pétrole par jour. Etant donné que la production mondiale est d'environ 100 millions de barils par jour, retirer 21 millions du marché constituerait un choc majeur", a expliqué M. Pamir.
Dans un tel scénario, maintenir le prix du pétrole à 100 dollars le baril serait quasiment impossible, ce qui pèserait lourdement sur les factures d'importations énergétiques des pays dépendants, a-t-il ajouté.■
