(Xinhua/Gao Jing)
PARIS, 27 janvier (Xinhua) -- Au cours des 60 années depuis l'établissement des relations diplomatiques officielles avec la République populaire de Chine, la France considérait toujours la Chine comme un partenaire incontournable dans la résolution des défis mondiaux et des crises internationales, a déclaré Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel et ancien Premier ministre français.
C'était extrêmement "audacieux" et "positif" pour la France du général de Gaulle d'être le premier grand pays de l'Occident à établir des relations diplomatiques avec la Chine en 1964, a estimé M. Fabius dans une interview exclusive récemment accordée à Xinhua.
La décision de la France de reconnaître la Chine et de développer ses relations avec elle s'explique selon lui par trois grandes raisons. Premièrement, la France et la Chine sont toutes deux très attachées à leur indépendance. "C'est quelque chose de clé dans le monde qui se développe", a-t-il affirmé. Deuxièmement, les deux pays sont attachés au multilatéralisme et à la paix. "Nous ne voulons pas d'une politique de bloc, avec les risques de conflits que cela comporte", a poursuivi M. Fabius. Troisièmement, la France et la Chine sont de grandes civilisations dotées d'une technologie très avancée, et sont toutes deux membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies.
Le président du Conseil constitutionnel français a indiqué qu'en dépit de différends occasionnels sur tel ou tel point, la France et la Chine attachaient beaucoup d'importance à leurs relations et au développement de leur amitié dans une perspective mondiale.
Il a révélé que son attachement personnel à la ville chinoise de Tianjin, et plus particulièrement à l'université Nankai, était "très ancien". En tant que président de la Communauté d'agglomération de Rouen, Elbeuf et Austreberthe de 2008 à 2012, M. Fabius a en effet travaillé à approfondir la coopération et les échanges entre la Normandie et Tianjin. "Je me suis demandé tout simplement : comment peut-on traduire cet attachement en acte ? Et il n'y a pas de meilleure manière que de faire que les hommes et les femmes se rapprochent, s'échangent, que les étudiants s'échangent et que le travail soit fait ensemble, le travail culturel, le travail économique, le travail environnemental. Et donc, dès le début, j'ai attaché beaucoup d'importance à l'université Nankai et à ma relation avec Tianjin", a-t-il précisé.
Selon lui, l'amitié entre la France et la Chine n'est pas abstraite, mais plutôt "quelque chose qui se construit dans les échanges et donc, ça commence par les jeunes, les professeurs, et c'est seulement s'il y a ce sentiment réciproque dans un sens, et dans l'autre entre les Chinois et les Français, que les choses vont se développer".
Que ce soit comme Premier ministre, ministre ou président de l'Assemblée nationale de France, il a toujours beaucoup travaillé au développement des relations franco-chinoises. "J'ai mesuré, à cette époque-là, le côté extrêmement audacieux qu'avait la reconnaissance par le général de Gaulle, pour la première fois, des relations diplomatiques, parce qu'aujourd'hui, on trouve ça normal, évidemment, la plupart des pays ont des relations diplomatiques, la Chine est un très grand pays, une grande puissance, la France est une grande puissance, donc on n'imagine pas qu'il pourrait en être autrement. Mais en 1964, il n'y avait rien", a-t-il souligné.
M. Fabius a cité une phrase très connue de Churchill : "La différence entre les politiciens et les hommes d'Etat, c'est que les politiciens pensent à la prochaine élection, et les hommes d'Etat pensent à la prochaine génération". De fait, les dirigeants français et chinois de l'époque ont "pensé à la prochaine génération, au long terme", a-t-il observé.
Depuis le 50e anniversaire des relations franco-chinoises, le climat international s'est plutôt dégradé, avec notamment des tensions, des guerres et des confrontations, a estimé M. Fabius. "Mais justement, il faut que des grands pays comme les nôtres, dans cet environnement qui est difficile, marquent ce qu'est un chemin raisonnable, un chemin de modernisation, un chemin d'équilibre, en gardant à l'esprit un certain nombre de mots-clés, qui sont la coopération, le multilatéralisme, le développement durable", a-t-il souligné. "C'est tout ça sur quoi nous devons travailler ensemble." Il a espéré que le 60e anniversaire des relations bilatérales, qui se traduira tout au long de l'année par toutes sortes d'événements culturels, d'échanges entre éditeurs et d'échanges étudiants, permettrait de renforcer davantage encore les liens entre les deux pays.
M. Fabius avait présidé la conférence de Paris sur le climat (COP21) en 2015, qui a abouti à l'adoption de l'Accord de Paris, un accord historique devenant le cadre de référence pour lutter contre le dérèglement climatique. Il a rappelé que l'objectif qui avait été fixé à Paris était de ne pas dépasser une hausse de 1,5 °C des températures moyennes mondiales. "Malheureusement, nous sommes pour le moment au-delà (...) C'est un point absolument majeur et que nous ne pouvons traiter que dans le multilatéralisme", a-t-il relevé.
M. Fabius a insisté sur la nécessité d'amener tout le monde à coopérer, de compter sur l'innovation et la technologie et d'aider financièrement les pays pauvres. "C'est pour ça que c'est complexe, mais là-dessus, les initiatives chinoises, françaises, américaines, européennes et d'autres sont indispensables. C'est peut-être la question, avec la paix, la plus importante pour l'humanité", a-t-il souligné.
Pour ce qui est de l'avenir des relations franco-chinoises, il s'est déclaré optimiste. "Je reviens à notre point de départ, dans ce monde dangereux qui est le nôtre, il faut qu'il y ait des puissances de la paix et du développement durable, et cela doit être évidemment, au-delà de nos différences, une mission majeure de la Chine et de la France", a-t-il conclu. Fin
(Xinhua/Gao Jing)