La compréhension mutuelle entre les peuples est la pierre angulaire de cette amitié qui perdure, mais comment les Français racontent-ils leurs histoires liées à la Chine?
PARIS, 23 janvier (Xinhua) -- Cette année marque le 60e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France. La compréhension mutuelle entre les peuples est la pierre angulaire de cette amitié qui perdure, mais comment les Français racontent-ils leurs histoires liées à la Chine?
UNE TOMATE
Sonia Bressler est écrivaine. Ella a fait la connaissance de la Chine après l'obtention de son doctorat en philosophie en 2005.
"Comme tout jeune docteur, j'étais un peu perdue", a-t-elle indiqué, "mes recherches académiques étaient terminées et pourtant des milliers de questions étaient sans réponse". La jeune épistémologue a finalement décidé de rompre avec tous les "certitudes" et "discours habituels", et "d'aller au bout du monde en train". Son regard s'est dirigé vers l'est sur la carte : Paris, Moscou... Beijing! C'est ainsi qu'une translation a été décidée, "la meilleure" pour se défaire de ce qui était une pensée "conforme", "normée".
Sous le ciel nocturne de Moscou, Sonia Bressler est montée seule à bord du train en direction de Beijing. Elle a rarement mangé pendant le voyage, "un bortsch russe suffit à tenir trois jours".
Deux femmes chinoises partageaient la même cabine. "Un jour, elles me donnent une belle tomate, elles me font signe de m'asseoir avec elles et de manger", s'est rappelée Sonia Bressler. Ce "geste d'amitié renversant" a marqué le début d'un "apprentissage de l'authenticité" de la société chinoise. Elles sont devenues compagnes de voyage.
Descendues à Harbin, sous le regard de Sonia Bressler, les deux Chinoises ont été "emportées dans les nuées des vapeurs des raviolis des marchands ambulants sur le quai". "Elles m'ont ouvert les portes de leur culture", l'écrivaine s'est souvenue presque poétiquement d'elles.
C'est l'un des premiers épisodes du voyage de Sonia Bressler pour la Chine. Elle a transformé ce périple, "une introspection autant qu'une exploration", en un récit de voyage. "Depuis lors, j'ai la Chine au cœur." Elle est retournée plusieurs fois en Chine pour voyager.
Sonia Bressler est aujourd'hui membre du comité de rédaction de la revue "Dialogue Chine-France". "La raison pour laquelle nous devons renforcer le dialogue entre la France et la Chine, c'est parce qu'il nous faut retrouver la voie du cœur."
UNE PELUCHE
Jérôme Pouille travaille au ministère français de l'Ecologie. Il est un grand passionné des pandas géants. "Tout est parti depuis l'enfance, mes parents m'ont offert un panda en peluche", c'était le vœu de Noël que le petit Jérôme Pouille avait fait à ses parents après qu'il est tombé en admiration devant un panda dans la vitrine d'un magasin.
En grandissant un peu, Jérôme Pouille a commencé à collectionner "tout ce qui se rapportait aux pandas". A 17 ans, il a vu un vrai panda pour la première fois. Il était Yen Yen. En 1973, la Chine a offert deux pandas, Yen Yen et Li Li, au peuple français. Malheureusement, Li Li est mort d'une tumeur l'année suivante. Jérôme Pouille savait que Yen Yen était déjà âgé et, craignant de ne plus pouvoir le voir, il a convaincu sa famille de faire le trajet de plus de 400 kilomètres en voiture jusqu'au zoo de Vincennes à Paris.
En 2002, au début de la popularisation d'Internet, Jérôme Pouille a créé un site d'information sur les pandas (panda.fr), qui a accumulé jusqu'à présent plus d'un million de vues. En 2012, la base de recherche sur les pandas de Chengdu en Chine a lancé un concours d'ambassadeur des pandas, ou "Pambassador". Jérôme Pouille ainsi que deux autres personnes ont décroché le titre parmi plus d'un million de candidats du monde entier. Il estime que c'était en partie grâce à son expérience de création et de gestion de site web.
"Au départ c'était une passion pour les pandas, elle m'a poussé à m'intéresser à la Chine, et dès que j'y suis allé, aux gens qui y vivent", a indiqué Jérôme Pouille, qui a dit avoir passé le plus de temps en Chine après la France. "Partout à Chengdu mais aussi ailleurs, j'étais parfois tout seul, les Chinois m'ont ouvert leurs bras."
Une fois, Jérôme Pouille a traversé Baoxing dans le Sichuan avec son interprète et son chauffeur. Ils se retrouvèrent tous trois affamés en chemin mais il n'y avait pas de restaurants. Au final, une dame locale les a accueillis et leur a préparé une fondue de yak, "qui était vraiment très bonne". La dame leur a par ailleurs raconté les histoires de son mari qui croisait parfois des pandas dans leur milieu naturel lorsqu'il s'occupait de son bétail.
Baoxing est le lieu de la "découverte scientifique" des pandas, où le missionnaire français Armand David a enregistré scientifiquement l'existence de l'ours noir et blanc pour la première fois en 1869.
"Les liens qui rapprochent la France et la Chine autour du panda sont beaucoup plus anciens qu'on peut imaginer", a indiqué Jérôme Pouille, qualifiant les pandas "d'ambassadeurs de l'amitié franco-chinoise".
UN CIEL AU-DELA
Norbert Rouland, actuellement professeur émérite à la Faculté de droit d'Aix-en-Provence, est allé en Chine pour la première fois en 1997. Invité à Hong Kong puis dans la partie continentale de la Chine, ses brefs séjours lui ont fait réaliser que la Chine connaissait beaucoup mieux l'Occident que l'Occident ne connaissait la Chine.
Selon lui, de nombreux reportages français de ces dernières années sur la Chine sont biaisés et inexacts. Si l'on prend le projet "Skynet" comme exemple, des médias français ont crié au "viol de la vie privée", ignorant à la fois son effet positif sur la sécurité publique en Chine, et le fait que de plus en plus de caméras de surveillance s'installaient dans les rues en France.
Ces réflexions sont rassemblées dans un essai de plus de 400 pages publié en octobre 2022 en France, intitulé "Ciels au-delà du ciel" avec comme sous-titre "La Chine et les Chinois : croiser nos regards". Cet intitulé fait référence à un proverbe chinois qui dit que celui qui croit aller au bout du ciel s'apercevra qu'il y a toujours un autre ciel plus lointain.
L'automne dernier, Norbert Rouland a visité une nouvelle fois la Chine, ce "ciel au-delà", 26 ans plus tard. Un mois de redécouverte lui a fait ressentir la richesse multiple du pays. Dans les "forêts de tours" à Shanghai, il a apprécié un extrait du Kunqu, un opéra traditionnel chinois datant de plusieurs siècles; lors de sa visite d'un village traditionnel de l'ethnie Miao dans le Guizhou, il est monté dans un véhicule électrique chinois hyper moderne "puissant et confortable". Il prévoit déjà de retourner en Chine en 2024.
Antropologue, Norbert Rouland se décrit comme un pluraliste culturel naturel. Il estime que lorsque l'Occident pourra considérer la Chine d'une manière plus objective, il comprendra, une fois les malentendus dissipés, qu'il n'y a pas nécessairement d'opposition entre eux, mais plutôt des potentialités d'inspiration mutuelle. Il encourage souvent ceux qui l'entourent à en savoir plus sur la Chine et, si possible, à aller sur place "voir de leurs propres yeux".■