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French.xinhuanet.com | Publié le 2022-03-03 à 14:48

Une manifestante est arrêtée devant un centre de détention du Service américain de l'immigration et des douanes (ICE) à Los Angeles, Etats-Unis, le 2 juillet 2018. (Xinhua/Zhao Hanrong)
L'une des plus grands exploitants de prisons privées aux Etats-Unis s'apprête à mettre en oeuvre un nouveau programme pilote qui placerait des centaines de migrants en résidence surveillée, à en croire certains médias.
BEIJING, 2 mars (Xinhua) -- L'une des plus grands exploitants de prisons privées aux Etats-Unis s'apprête à mettre en oeuvre un nouveau programme pilote qui placerait des centaines de migrants en résidence surveillée, à en croire certains médias.
Cette approche permettant à des entreprises à conserver une solide position en matière d'application des lois sur l'immigration est largement critiquée comme étant une extension de la très controversée détention à but lucratif à laquelle le président américain Joe Biden avait pourtant juré de mettre fin.
"On ne fera que voir se répéter le même cercle vicieux, avec ces entreprises privées qui, une fois de plus, font pression en faveur de politiques punitives et déshumanisantes afin d'augmenter leurs marges bénéficiaires", a dénoncé dans un communiqué une coalition de groupes de défense des immigrés.
DES VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME
Depuis leur création dans les années 1980 pour pallier le manque de places dans les prisons fédérales et des Etats, les prisons privées ont souvent été le théâtre de violations présumées des droits de l'Homme.
Un exemple récent est celui de la main-d'oeuvre carcérale qui, en première ligne face à la pandémie de nouveau coronavirus, a travaillé sans équipement de protection, "en passant la serpillière, en servant la nourriture et en désinfectant les cellules", selon le site d'information spécialisé The Appeal.
Le centre de détention de Leavenworth au Kansas (centre), détenu et géré par la société privée CoreCivic, a été décrit comme un "enfer absolu" par un juge, où de multiples agressions au couteau et un passage à tabac mortel ont eu lieu en 2021. "Les gardiens ont déclaré que des armes telles que des couteaux faits maison et de la drogue sont courants derrière les barreaux", selon CNN.
William Rogers, ancien agent pénitentiaire à Leavenworth, a dit y avoir été agressé sept fois durant quatre ans et demi de présence, dont trois fois qui l'ont conduit à l'hôpital. La situation dans cette prison n'est que la pointe émergée de l'iceberg. "Pour eux, seul le profit compte. Ils se fichent d'améliorer la situation", a-t-il dit à la chaîne d'information.
UNE MACHINE A CASH
Au fil des décennies, la détention à but lucratif est devenue une industrie de plusieurs milliards de dollars aux Etats-Unis. Deux des plus grands groupes privés, CoreCivic et GEO, sont cotés en bourse.
Comme l'ont montré de nombreuses études, leur modèle économique repose sur un taux d'incarcération élevé. Ils sont donc plus enclins à chercher à obtenir davantage de détenus et des peines plus longues, parfois par des moyens illégaux.
En 2011, deux juges de Pennsylvanie ont été condamnés pour avoir envoyé derrière les barreaux des milliers de mineurs, recevant en échange des pots-de-vin de propriétaires et de constructeurs de prisons privées. Ce scandale baptisé "kids for cash" (des enfants contre de l'argent) a impliqué au moins 2.400 mineurs.
Au fil du temps, un réseau complexe d'influence politique s'est développé parallèlement à la croissance du secteur de la détention à but lucratif.
Selon l'Institut sur les politiques judiciaires (JPI), une association basée à Washington, les entreprises privées de ce secteur utilisent principalement trois stratégies pour influencer les responsables politiques : le lobbying, les contributions directes aux campagnes électorales et la création de réseaux.
L'argent coule à flots. Pour les seuls contrats passés avec le Service américain de l'immigration et des douanes (ICE), CoreCivic et GEO ont touché ensemble quelque 1,3 milliard de dollars en 2019. Selon l'agence Associated Press, chaque entreprise dépend de l'ICE pour environ 30% de ses revenus.
UN DECRET PRESIDENTIEL EN VAIN
Face à la montée des critiques et des arguments visant l'industrie pénitentiaire privée, M. Biden a signé, peu après son entrée en fonction en janvier 2021, un décret censé mettre fin au renouvellement des contrats du ministère de la Justice avec les établissements de détention privés.
Ce à quoi le président n'a pas touché, toutefois, ce sont deux autres sources importantes de contrats gouvernementaux pour ces entreprises : la détention des migrants et les "services" post-incarcération comme la surveillance électronique.
Ainsi, son décret "n'affecte pas les contrats passés par l'ICE, car l'ICE fait partie du ministère de la Sécurité intérieure, et non du ministère de la Justice", explique le Brennan Center for Justice, un institut dépendant de la faculté de droit de l'Université de New York (NYU).
En outre, il permet de créer un scénario dans lequel les entreprises signent davantage de contrats avec des comtés, lesquels passent ensuite directement contrat avec le gouvernement fédéral, ce qui permet donc aux entreprises de contourner globalement le décret présidentiel.
Trois mois après la signature de ce texte, CoreCivic a ainsi conclu un nouveau contrat de trois ans avec le comté de Mahoning, dans l'Ohio, pour 990 lits dans son Centre correctionnel du Nord-Est de l'Ohio, selon le Centre Brennan.
Si on ne sait pas encore si les entreprises pourront réaliser là une manœuvre parfaite, on sait en revanche qu'elles sont mécontentes devant toute tentative qui reviendrait à impacter leurs affaires.
"Nos efforts sont totalement alignés sur l'objectif de l'administration visant à donner priorité à la réhabilitation et à la rédemption des individus dans notre système de justice pénale", a assuré dans un courriel à CNN un porte-parole de CoreCivic, Ryan Gustin, exprimant ses objections au décret de M. Biden.